sur le vif

dEESSES – Nous sommes nés parfaits


Le documentaire de Sylvie Cachin réalisé en Afrique du Sud a trouvé une place de choix, pour ne pas (re)dire parfaite au festival Everybody’s perfect!

Dès les premières notes du générique d’introduction le ton est donné. Entre musique électro et percussions africaines, entre la ville, les townships et le désert, nous voyageons à la rencontre de ces «déesses» pourtant remplies d’humanité qui vivent à la croisée de différents mondes. Mais quels rapports entre Ouma ‘Una Rooi, née dans le désert en 1930 et qui fut servante chez les colons, l’historienne Yvette Abrahams, l’activiste lesbienne Ndumie Funda et la danseuse et chorégraphe Mamela Nyamza?
Que ce soit en intégrant les gestes du quotidien dans une performance dansée, en soutenant des femmes homosexuelles victimes de violence, en réécrivant la biographie de Sarah Bartnamm sans reproduire les clichés des historiens sexistes sur celle qu’on appelait la «Vénus hottentote» et qui fut exposée comme un objet d’étude par les théoriciens racistes, ou enfin, en évoquant des souvenirs issus de la culture indigène Khoï plus égalitaire que le système patriarcal actuel, il semble que chacune des protagonistes porte à sa manière un regard engagé sur son pays et questionne sa position dans cette société post-apartheid en pleine transformation.

A mesure que l’on fait connaissance avec ces femmes, leurs paroles et leurs gestes se répondent et s’entremêlent. L’image tisse une série de liens entre ces différentes séquences, qu’un montage adroit mais sans artifice permet de faire ressortir.
La visite de la vieille dame à une amie prend le sens d’un retour après un exil forcé de nombreuses années lorsqu’on le relie avec les informations données par l’historienne concernant l’expropriation des terres dont on été victimes les tribus indigènes au temps de la colonisation. Quant au combat de la fondatrice de l’association Luleki Sizwe organization pour faire reconnaître les viols «curatifs» perpétrés contre des lesbiennes comme des crimes de haine, il trouve un écho dans le travail chorégraphique de Nyamza dont de larges extraits ponctuent le documentaire. D’ailleurs, un jeu de miroirs s’opère entre le quotidien de ces femmes tel qu’il est filmé par Cachin et tel qu’il est dansé par Nyamza. La jupe couverte de pinces à linge que porte la danseuse dans l’une de ces performances rappelle le portrait vu plus tôt d’une femme qui portait à l’encolure de son pull-over une pincette en bois identique.

Sans voix off et en considérant avec la même attention ces différentes formes d’expression, Cachin invite les spectatrices et les spectateurs à effectuer elles/eux-mêmes un travail d’observation et d’interprétation.
Enfin, tout en soulignant les contradictions et les difficultés que présente ce pays en mutation, le film met en valeur l’énergie positive de ces femmes «nées parfaites», mais qui n’ont jamais fini de s’épanouir et d’éclore, pour reprendre le mot de la fin donné par Nyamza.

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