sur le vif

Electron à l’heure des femmes

Le challenge est à la hauteur des prétentions artistiques du Festival Electron: révéler la place des femmes au sein de l’une des cultures les plus importantes de ce 21ème siècle. Pour cette 9ème édition, les organisateurs ont choisi de consacrer un certain nombre de volets qui mettent en perspective la place des femmes dans la musique électronique d’aujourd’hui. Décryptage en trois étapes incontournables.

CONFÉRENCE: «La place des femmes dans la musique électronique»
dimanche 8 avril à 16h, suivie d’un concert spatialisé de Kaffe Mathews à 18h
Commun – Bâtiment d’Art Contemporain

L’histoire de la musique a laissé bien peu de place, ou du moins de visibilité, aux femmes au cours des derniers siècles. Pourtant, de l’Antiquité à nos jours, plusieurs personnalités féminines se sont démarquées dans le domaine du chant, de l’interprétation ou de la composition. Qu’en est-il de la culture électronique? Si de nombreuses artistes ont pris part à la grande aventure électronique depuis le début du siècle – Johanna Magdalena, Laurie Spiegel, Delia Derbyshire ou encore Daphne Oram, pour ne citer qu’elles – elles ont bien souvent plus marqué les partitions que les esprits. Car aussi aventureuses que puissent avoir été leurs recherches, l’influence de ces pionnières a été bien négligeable au cours des décennies suivantes. Il faudra attendre le début des années 2000 pour qu’une nouvelle génération de femmes prenne le beat en main et perpétue le travail de ces minutieuses ouvrières musicales.
De nos jours, quelle est la place de ces femmes dans l’épopée électronique? C’est la question que le festival Electron a souhaité soumettre à plusieurs intervenantes de choix, lors d’une conférence à haut potentiel, qui aura lieu le dimanche 8 avril au Commun. Qu’elles soient musiciennes, vidéastes, programmatrices ou organisatrices de soirée, ces artisanes de la culture électronique partageront leurs expériences sur ce vaste sujet.
Parmi elles, Kaffe Matthews figure parmi les artistes les plus actives de la nouvelle scène électronique anglaise. Partageant son travail entre performance musicale, recherche électro-acoustique et design sonore, la musicienne, qui qualifie elle-même son œuvre de musique architecturale à écouter tout autant qu’à ressentir, a convaincu les sphères spécialisées de la branche, à l’instar de The Guardian qui s’exclame: «This woman rocks »
A ses côté, l’artiste suisse Marie-Avril Berthet cumule les casquettes: DJ, organisatrice de soirée, responsable du pôle art contemporain du Festival Electron et géographe, elle est une figure marquante de la vie culturelle genevoise. Fondatrice du site Raison Sociale, un espace de réflexion et d’expérimentation théorique et pratique autour de la pratique festive, elle a notamment réalisé une étude sur la vie nocturne genevoise et dirigé les Etats Généraux de la nuit à Genève.
En dernier lieu, le parcours de Natasha Padabed fera profiter les auditeurs d’une vision plus logistique de l’implication féminine dans la culture électronique. Cette Russe au tempérament dynamique officie aussi bien en tant que directrice artistique de festival (SKIF, Ethomechanica ou Electro-Mechanica) que comme agent, notamment pour l’artiste Munchi, qui se produira le dimanche soir à l’Usine.
http://www.lemanbleu.ch/vod/le-journal-03022011

Eliane Radigue, Egérie électronique (photo: © Yves)
S’il y a bien une figure indépendante mythique de la culture électronique, c’est bien elle. Emancipée et inclassable, Eliane Radigue a fait de la musique électronique son véritable parcours de vie. Compositrice française et pionnière méconnue de la musique électro-acoustique, l’artiste sculpte la matière sonore depuis plus de 50 ans et frôle aujourd’hui, à 84 ans, le statut de légende.
Eliane Radigue a ainsi traversé les époques et les écoles, véhiculant une musique totale et infiniment discrète, qui eut peine, au début, à trouver oreille attentive auprès de l’avant-garde officielle. Indépendante et indomptable, elle persistera pourtant dans sa voie personnelle affirmant des années plus tard : « Il y a une certaine musique que j’avais envie de faire. C’était celle-là et pas une autre. »
Dans les années 50, elle fut proche un temps de Pierre Schaeffer, puis de Pierre Henry, pères de la musique concrète. Véritables mentors, ils n’hésitèrent pourtant pas par la suite à s’émanciper de l’artiste, confondant probablement la nature sensible et lancinante de sa musique avec du simplisme. Quelle erreur de jugement! Eliane Radigue se démarqua ensuite dans les années 70, en concentrant l’essentiel de son travail sur les potentialités sonores offertes par les premiers synthétiseurs, et notamment l’ARP, qui devint et demeure son instrument de prédilection. Cherchant de nouveaux terrains d’expérimentations, elle se convertit au bouddhisme et toute son œuvre ultérieure en sera profondément marquée. Pourtant, loin des clichés hippie et de la musique new-age du moment, Eliane Radigue ne s’est jamais éloignée des sonorités électroniques les plus pures.
Sa musique drone, flot continu d’ondes sonores entremêlées, représente une influence incontournable pour toute une nouvelle génération de compositeurs et de musiciens. L’artiste n’en finit pas d’être réhabilité et redécouverte, notamment via une somptueuse pagaille de rééditions. Artiste intarissable, elle collabore également à l’occasion avec les Lappetites, groupe électronique à géométrie variable et 100% féminin.
A 84 ans, Eliane Radigue peut être considérée sans emphase comme une des compositrices majeures et des plus novatrices du 20ème siècle. Elle est également la plus entière et la plus sensible des aventurières de la musique électronique. Grande prêtresse de la musique électro-acoustique, sa venue fait figure d’événement.

Conférence «Vie et œuvre d’Eliane Radigue»
vendredi 6 avril 2012 à 16h
, suivie d’un concert exceptionel d’Eliane Radigue à 17h.
Commun – Bâtiment d’Art Contemporain

LA SCÈNE ÉLECTRONIQUE SUISSE FÉMININE
Sur la centaine d’artistes musique programmés à Electron cette année, seul une dizaine de femmes sont à l’affiche. Un score qui semble bien maigre, mais qui n’a pourtant pas à rougir lorsque l’on défriche les line-ups des manifestations électroniques du même genre, beaucoup moins généreux en empreintes féminines. Au vu de la place que les femmes se sont taillées dans la plupart des genres musicaux rock et pop, on ne peut s’empêcher de s’étonner du manque de représentation des femmes dans la culture électronique et de visibilité dans les différents événements qui lui sont consacrés. Si le nombre de femmes DJ et de productrices de musique électronique s’étoffe chaque année, ces artistes n’occupent que rarement le devant de la scène, mis à part quelques dignes représentantes du genre, comme Ellen Allien, Miss Kittin, Chloé, Mira Calix, etc. Pourtant, le vivier est bien fourni et la scène suisse possède son lot de talents, qui s’exportent sur la scène internationale avec plus ou moins d’exposition. Preuve en 3 artistes, programmées au festival Electron.


SONJA MOONEAR
(photo: © Thierry Parel)
Samedi 7 avril au Zoo de l’Usine à 22h

Karat, Kalk Pets, Lessizmore, Ruta5, Perlon

Indépendante et intègre, Sonja Moonear n’a jamais baissé la garde en matière de musique électronique et poursuit une carrière de DJ-productrice internationale, de front avec son emploi comme illustratrice musicale à la Télévision Suisse Romande. Cette double casquette lui permet de garder une parfaite autonomie, à l’heure de choisir les lieux de ses précieuses prestations. C’est cette intégrité qui caractérise le plus le parcours de la musicienne genevoise, en marge d’un goût incorruptible en matière de sélection sonore et d’un style inclassable et polychromé.
Ce parti pris a fait de la DJ genevoise une ambassadrice incontournable de la scène électronique du bout de lac, où elle a d’ailleurs été une figure pionnière en organisant des soirées, avant de passer derrière les platines, notamment en tant que résidente à Weetamix. Depuis, elle cultive sa féminité de DJ avec une intelligence fine, foulant les dancefloors des capitales du monde entier, et multiplie les collaborations, avec Dandy Jack, notamment, sous le pseudo Junction SM, avec lequel elle a lancé son propre label Ruta5.
Son background musical, l’éclectisme de ses goûts et son impressionnante collection de vinyles en font l’une des DJ les plus recherchées et les plus appréciées du circuit techno. Pour Electron, elle endossera également avec talent la casquette de curatrice de soirée, sur la scène du Zoo.


MARIEAVRIL
(photo: © Magali Girardin)
Dimanche 8 avril au Zoo de l’Usine à 22h avec Muck
Saint-Vitus
Marieavril est une figure majeure de la vie nocturne genevoise. Outre sa casquette de DJ, entertaineuse des nuits genevoises avec sa tech-house d’aérobic, elle cumule les étiquettes : organisatrice de soirées la nuit, elle est aussi géographe, parce qu’elle aime les villes et surtout les gens qui y vivent… la nuit. En 2005, elle fonde raisonsociale.ch, un site d’archives dédiées à la théorie de la fête, avant d’être mandatée par la ville, en 2010, pour coordonner une enquête sur la vie nocturne à Genève. Le DJing et la recherche autour de la vie nocturne sont donc complémentaires dans sa pratique et c’est dans la même logique qu’elle coordonne depuis 3 ans l’exposition du festival Electron. Marieavril considère sa musique comme un produit collectif : inspirée par d’autres, inspirant d’autres. Une mise en perspective du DJing qui lui procure une approche unique des platines.

EMILIE NANA
Dimanche 8 avril au Zoo de l’Usine à 1h avec Dollar Mambo
Shark, Compost
A la fois DJ, productrice, auteur et instrumentiste, la Genevoise d’adoption a délivré déjà plusieurs tracks, immédiatement repérés par des labels reconnus et des magazines de référence, avant de se consacrer à sa carrière de DJ. Derrière le desk, la compagne de Crowdpleaser possède ce même amour du son et ce don du métissage, qui l’ont établie parmi les talents les plus prometteurs de la scène genevoise. Acquise dès son plus jeune âge aux sons des premiers mixes de Larry Levans ou des précieuses galettes funk de son papa, Emilie possède déjà un sérieux background musical, une sensibilité rare derrières les platines et une dextérité du live, qui ont définitivement contribué à asseoir la crédibilité de la jeune musicienne sur les dancefloors européens. Affaire à suivre!

Les femmes à Electron, c’est aussi: Christine Groult, Violaine, Donatella Bernardi, Gertrude Tunning, Letizia Mazzeo, Candide Hofer, Scratch Massive, LuLúxpo, etc…

Retrouvez le line-up complet du festival sur: www.electronfestival.ch

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