sur le vif
ESPACE(S) FEMININ(S)
JEN MORRIS, ELODIE PONG.
Rencontre entre deux artistes, deux médiums, entre différents espaces et plusieurs corps. L’art vidéo et la photographie questionnent la représentation du corps face aux stéréotypes féminins et aux symboles construits par la culture de masse. Les images qui en résultent oscillent entre spectaculaire et intime, jouant des attributs et des matières qui suscitent l’attirance ou la répulsion.
{Jen Morris, Cheese Louise, 2008, vidéo PAL, noir blanc, sonore, 5’ 12’’}
Projetée à l’intérieur du Cabanon fermé à clé, la vidéo de Jen Morris Cheese Louise (2008) oblige le spectateur à s’approcher des fenêtres pour mieux voir les images. L’impossibilité d’entrer dans l’espace de projection le pousse à adopter une position voyeuriste, qui fait écho aux dimensions érotiques, voire pornographiques, du film. Ce dernier montre une étrangère, immigrée, qui tente de s’intégrer en Suisse. La xénophobie à laquelle elle se heurte la pousse à se réfugier dans l’espace confiné de son appartement et dans l’espace intime de son propre plaisir pour s’approprier le symbole national suisse par excellence: la fondue. Sur les murs en béton, deux séries photographiques liées à cette vidéo réitèrent la question de l’emprisonnement et de l’intégration culturelle: le pourtour blanc des dix photographies de Cheese Louise (2008) enferme la jeune femme dans un espace hostile, tandis que les coulées blanches du tryptique Cheesus and the Driblets (2010), série photographique spécialement réalisée à l’occasion de l’exposition, présentent volontairement des formes ambiguës.
{Elodie Pong, Murder In The Kitchen, 2008, vidéo HD, couleur, sonore, 38’’ en boucle}
Dans Murder In The Kitchen (2008) d’Elodie Pong, projetée au fond de l’espace, l’image d’une Marilyn Monroe ne renvoie pas tant à l’icône de la féminité qu’à la dénonciation d’une fiction inhérente à l’image de la femme véhiculée par la société. Alors qu’un premier regard place cette femme dans une position de désir de consommation, une observation et une écoute attentive permettent de saisir la complexité de l’oeuvre. Dans un discours ironique, jouant avec les mots, elle s’adresse au spectateur en usant d’une gestuelle de cabaret: «Murder in the kitchen! Gigot de la clinique. Beautiful soup. Tender tart. Treasures. Bon appétit!». Sous le déguisement, une femme qui veut s’échapper des espaces qui lui sont réservés – cuisine, salon de beauté – pour pouvoir évoluer dans d’autres sphères, à l’instar de Cheese Louise qui plonge en elle-même dans l’espoir de trouver un accès à l’espace public.
Alors que ces œuvres s’offrent dans une dimension exhibitionniste, la série des sept stills produite par Elodie Pong et intitulée Black Boxing (2007) invite à un regard plus nuancé. De prime abord, une impression d’opacité domine. Puis, peu à peu, des couleurs et des formes se dégagent de l’image. Elles laissent entrevoir les contours d’un visage, un nez, une joue, et témoignent des mouvements effectués par la figure d’une pièce à l’autre. Le noir recouvre tant l’arrière-plan que le personnage représenté. Son visage, son corps, son identité, sont noircis. Est-ce une femme ou un homme? Un enfant ou un adulte? En masquant l’identité de la figure, l’obscurité rend possible une approche plus globale de la personne. Peu importe désormais à quel sexe elle appartient. Cet individu incarne l’être humain universel.
Jen Morris
Née le 16 avril 1973 à Montréal (CA), Jen Morris a émigré il y a trois ans en Suisse. Après des études de Bachelor en art et psychologie à la Concordia University de Montréal, elle étudie le cinéma au New Media Institute de Vancouver. Elle se tourne tout d’abord vers la peinture puis s’intéresse au médium sonore. Ses compositions proposent de subtils mélanges électroniques de sons et de bruits les plus divers, ce qui lui permet de créer des ambiances à la fois apaisantes et intrigantes. L’emploi de la bande magnétique pour enregistrer des sons lui fait découvrir la vidéo. Voyageuse infatigable, elle s’est produite, sous le pseudonyme de [sic], dans plusieurs festivals et a exposé, sous le nom de Jen Morris, ses photographies et ses vidéos dans diverses expositions au Canada et en Europe.
www.squirrelgirl.com
Elodie Pong
Née le 1er août 1966 à Boston (USA), Elodie Pong vit et travaille à Zurich. Après avoir obtenu une licence en sociologie et en anthropologie à l’Université de Lausanne en 1989, Elodie Pong se tourne dans les années 1990 vers le domaine
artistique. Elle touche tout d’abord à la sculpture avant de rapidement employer la vidéo comme médium
de prédilection. Représentée par la Galerie freymond-guth Ltd. fine ARTS (Zurich), ses oeuvres de performance et ses vidéos ont marqué la scène artistique tant suisse qu’internationale dans le cadre de diverses expositions et festivals. Sa récente vidéo After The Empire (2008) a reçu en 2009 le Prix du court métrage de la ville de Winterthur.
www.elodiepong.net
ESPACE(S) FEMININ(S)
Jen Morris, Elodie Pong
du 4 octobre au 24 décembre 2010
LU-VE 12h-19h
Vernissage lundi 4 octobre à 18h30
UNIL, Anthropole, vers l’auditoire 1129
Contact: lecabanon@unil.ch
www.unil.ch/lecabanon