flashes

leçons de pub

George dédie cette rubrique à une auteure, chercheuse ou artiste suisse romande qui nous dévoile, en quelques traits, sa vision du monde. Stéphanie Pahud ouvre les feux: docteure ès Lettres, elle est maître-assistante en linguistique française à l’Université de Lausanne.

Devenir une post-femme. Ou pas.
Les lieux communs du féminisme des années 1970, égalité des sexes et anti-essentialisme, sont largement intégrés dans la pensée occidentale contempo­­raine. Du côté des pratiques, l’équité des salaires, par exemple, ou la nécessité de proposer des moyens de concilier famille et activité professionnelle font désormais légitimement partie des ré­flexions sur le monde de l’emploi. Du côté des représentations, le genre n’est plus un impensé des discours médiatiques. Même la pub, dénuée de toute vocation sociale, ne manque plus de vampiriser les discours féministes. Face à un marché toujours plus concurrentiel, à des cibles raffinées à l’extrême, à des consommateurs poussés à l’infidélité chronique ainsi qu’à une critique à l’affût et des plus acerbes, les annonceurs redoublent de variations sur le féminin: désormais, plus (enfin presque) de figures ménagères imposées ni d’homme tenant les cordons de la bourse. Les annonceurs affichent des femmes qui revendiquent leur autonomie.

Leçon(s) de «post-féminisme» en trois campagnes fraîchement sorties de la presse magazine féminine qui mettent en scène cette nouvelle indépendance.

Bonne nouvelle: la pub est perméable à la reconfiguration contemporaine des rapports entre les sexes.
Moins bonne nouvelle: la pub met en scène des femmes qui revendiquent liberté, autonomie et reconnaissance de leurs choix personnels, mais retombe vite sur les codes éculés de la féminité et de la séduction. Moralité: les mises en scène publicitaires ne relèvent que d’une pure logique commerciale. Tout change pour que rien ne change. En 1922, Pessoa avait compris avant l’heure que nous sommes des êtres de circonstances: «On naît homme ou femme – je veux dire qu’on naît pour devenir, une fois adulte, homme ou femme; mais on ne naît pas, en bonne justice naturelle, pour être un époux, ou pour être riche ou pauvre, et pas davantage pour être catholique ou protestant, anglais ou portugais. On devient ceci ou cela en vertu des fictions sociales». En 2010, il serait peut-être temps de désobéir à ces fictions et de ne plus se laisser étiqueter à bon marché!

Stéphanie Pahud est également l’auteure de Variations publicitaires sur le genre. Une analyse linguistique des représentations publicitaires du féminin et du masculin (Arttesia 2009) et co-auteure de La place des femmes et des hommes dans la presse écrite généraliste de Suisse romande des années 80 à nos jours (Seismo 2009).

Comments
Une commentaire to “leçons de pub”
  1. Chantal Locat dit :

    Bonjour,
    La société ne change pas en profondeur, surtout quand on parle de rapports sociaux de sexes. On évolue certes, mais l’idée ou l’image que l’on donne particulièrement des femmes dans les publicités et les médias a de quoi nous faire dire qu’à certains égards, on recule au quotidien. Pour moi, cette représentation des femmes et toute cette sexualisation de l’espace public sont le reflet des rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes. Le sexe vend peut importe les conséquences sur l’intégrité des filles et des femmes. Et, toute cette promotion sexiste a aussi son lot d’impacts sur l’image que les jeunes, filles et garçons, ont d’eux mêmes. Si les médias contribuent à la socialisation des jeunes, à la construction de leur identité, il y a de quoi s’inquiéter. Et, si une image vaut mille mots, quel gâchis!

Laisser un commentaire

  • Archives