visite guidée

Un monde dans le coma

Hôpital, 2004, 80 x 60 cm, Photographie, tirage jet d’encre, film argentique sous diassec. Coll. de l’artiste

Maud Faessler s’intéresse aux dessous de notre société; elle pointe son objectif pour documenter des réalités tues ou protégées. Sans apparats ni truquages, ses images photographiques forcent notre regard: ce n’est pas l’imaginaire du spectateur qu’elles activent, mais son œil et sa conscience. Présentée dans le cadre de son exposition «Insite» au Mamco à Genève, sa série «Hôpital souterrain» (2 juin au 19 septembre 2010).

Dans la salle d’exposition, le vert tilleul des murs pose le décor de l’univers hospitalier, tout en soulignant les nuances de vert déclinées dans les photographies. Parois, équipements techniques, literies et éclat glauque des néons: c’est crûment qu’apparaissent les détails de l’univers glaçant exploré par Maud Faessler.

Énumérations du vide
Chaque image disposée sur les murs de la salle d’exposition offre une trouée, un point de vue. Mais le regard finit par buter sur les murs borgnes des pièces photographiées. On y voit des lits métalliques inoccupés, des tables d’opération vides, des panneaux de con­trôle en déshérence. L’un après l’autre, les clichés de la série dévoilent un espace oppressant, clos sur lui-même. Quelques signes épars de présence fantomatique évoquent l’absence plus qu’ils ne la comblent: classeurs oubliés sur une table, couverture pliée sur un lit, voyants de contrôle allumés… Tout parle de vacance et d’attente. D’une inertie qui absorbe les notions de danger et de souffrance.

Guerre latente
Quelques indices comme la couverture gris-brun avec trame rouge et blanche précisent la nature militaire de cet hôpital, tandis que ses installations, neuves mais déjà obsolètes, l’ancrent dans une période presque oubliée. La Guerre froide. Cette période paranoïaque a vu nombre d’équipements militaires se construire en Suisse, comme les hôpitaux souterrains aménagés dans des grottes au cœur des Alpes. Maintenus en état de fonctionnement, ces établissements n’ont jamais servi. Prêts pour le pire qui n’arrive pas, ils sont devenus le symbole aberrant de l’extrême prévoyance d’un pays anticipant la guerre, en dépit de sa neutralité. Ce dont parle en creux le travail de la jeune artiste, c’est donc de la guerre, mais en différé.

Inventaires militaires
La panoplie défensive de la Suisse avait déjà fait l’objet du travail photographique de Leo Fabrizio. Avec son inventaire aussi atypique que diversifié des bunkers qui se dissimulent dans les idylliques paysages helvétiques, il révèle tous les travestissements de façade de ces constructions de guerre. Maud, elle, nous montre méticuleusement l’intérieur, pour mieux souligner l’aberration d’un lieu devenu théâtre d’une catastrophe en apesanteur.

Abordant frontalement les sujets qu’elle choisit, Maud Faessler ne recourt à aucune cosmétique pour en adoucir la dureté. Elle ne revendique pas non plus autre chose que sa démarche de questionnement de l’histoire. Le regard qu’elle porte sur le monde est un regard franc, actuel et sans fausse pudeur.

Maud Faessler – Éléments biographiques
Maud Faessler est née à Zurich en 1980. Elle vit et travaille à Verbier.
De 2002 à 2006, elle étudie la photographie à l’école cantonale d’art de Lausanne.

Exposition – Informations pratiques
Cycle FUTUR ANTERIEUR / Au verso des images
Maud Faessler – Exposition «Insite» – 2 juin au 19 septembre 2010
Mamco, Musée d’art moderne et contemporain
10, rue des Vieux-Grenadiers, CH-1205 Genève — www.mamco.ch
L’exposition «Insite» comprend une autre série de travaux de Maud Faessler, «Autopsie», qui rassemble des photographies de corps autopsiés.

Pour en découvrir davantage sur les artistes dont il est fait mention :
www.leofabrizio.com
www.centrephotogeneve.ch/archives-2010/the-omega-suites
www.tarynsimon.com

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