bande originale

Anna, Anne Käthi et la théorie du strudel

Anna et Anne Käthi vivent à Zurich. Entre mille activités créatives, elles officient en tant que Djettes. Leur collectif actuel s’appelle Fred Hystère et Ginger Drops Downstairs. Loin des sons FM convenus, leurs sets fouillent volontiers les bas-fonds de la musique. Elles nous livrent dix morceaux incontournables.

D’un côté de la table, Anna, cheveux courts, cravate et petite laine. De l’autre, Anne Käthi, cheveux moins courts, training fripé et polo rouge. Armées de leurs portables, vinyles et CD, elles sont prêtes. Prêtes à jouer le jeu du portrait musical qui consiste à sélectionner, l’espace d’une soirée, 10 morceaux essentiels.

Les deux Djettes acceptent de bonne grâce l’exercice. Car la musique, elles adorent. Et rien ne les amuse plus que de papoter «sons». Elles s’y plient cependant aussi avec un brin de réticence. Parce que, franchement, réduire à 10 morceaux – soit 5 chacune – leur science de la musique… C’est un peu frustrant. Un vrai casse-tête pour elles qui pourraient passer la nuit à se parler par disques interposés.

Le ping-pong musical, c’est d’ailleurs leur manière de fonctionner quand elles officient en tant que Djettes. «Nous n’écrivons jamais nos sets à l’avance»,
dit Anna. «On n’a pas de concept précis. On se répond avant tout», précise Anne Käthi. «L’absence de ligne peut s’avérer fatigante pour le public», prévient la première. «Mais on essaie de faire des ambiances pour chaque soirée», ajoute la seconde. «La dernière fois, l’idée était de fumer une cigarette par chanson. Ça m’a plu, c’était enfumé», dit en rigolant Anna.

Endoscopie

Depuis plus d’une année maintenant, les deux complices basées à Zurich collaborent de façon régulière, mais non exclusive, puisqu’elles mènent toujours des projets parallèles. Leur duo est aussi à géométrie variable. Elles invitent volontiers d’autres personnes à prendre part à leurs sets. Elles n’hésitent pas non plus à changer de nom quand ça leur chante. Aujourd’hui, elles s’appellent «Fred Hystère et Ginger Drops Downstairs».

Leur modèle, c’est le strudel. À la façon de sa fabrication, elles étendent la pâte – touchent à tous les genres – avant de la plier et replier indéfiniment

Un nom à rallonge, pensé jusque dans les moindres détails. Fred et Ginger, c’est pour le côté chic et classique. Hystère, c’est pour l’hystérie, dimension incontournable à leurs yeux. Ginger rappelle aussi le gingembre, qui est à la fois piquant et frais. Drops, c’est une mention à toutes celles qui s’ajoutent au duo, à l’exemple d’Andrea, artiste et galeriste zurichoise, qui fait parfois aussi tourner les platines à leurs côtés. Et Downstairs, c’est parce qu’Anna et Anne Käthi aiment les sons qui vont au fond des choses. Leurs mélodies favorites sont moins destinées à être écoutées sous la douche de bon matin qu’à permettre d’explorer les sous-sols. «Notre musique, c’est un peu comme descendre en catimini à la cave pour aller boire un verre de gin. C’est interdit et très bon», explique Anna. «C’est comme pour les chansons d’amour. Pour nous, elles ne doivent pas seulement évoquer un cœur sanguinolent, posé sur une table, mais aller au fond des choses. Comme une endoscopie», ajoute Anne Käthi.

Etaler la pâte
Loin des prouesses techniques «norma­lement attendues» des dj, les deux com­plices tablent avant tout sur la qualité de leur musique pour «emballer» l’assistance. Une musique volontiers «queer», décalée et folle mais jamais fermée. «On explore et rassemble tous les genres», explique Anna. Sa complice ajoute: «La musique, c’est un peu comme la pâtisserie: il y a tellement de possibilités. Il y a du chocolat, des amandes, des nids d’oiseau…». Et les deux Djettes goûtent à tout. Leur modèle, c’est le strudel. À la façon de sa fabrication, elles étendent la pâte – touchent à tous les genres – avant de la plier et replier indéfiniment – soit offrir des sets de musique faits de multiples couches, alternées, cachées, inattendues.
Et les garnitures sont variées. Salées, sucrées, piquantes mais jamais fades. Car la musique, ça doit être un peu fou. «Un peu comme une soupe de tofu tiède», précise Anne Käthi, qui lâche une seconde la métaphore pâtissière. Ça peut être conceptuel, compulsif, dangereux. Bref, ça doit explorer les bas-fonds. «Descendre dans la cave, justement», conclut Anna.

Autour de Fred Hystère et Ginger Drops Downstairs
Deux liens incontournables:

  • Radio LoRa: www.lora.ch (Emission d’Anna: Radio Arthur. Emission d’Anne Käthi: Pandora’s Box)
  • Les Complices: www.lescomplices.ch (Galerie dirigée par Andrea Thal (la «Drops»)).
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