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«AVATARISME»: métaphore d’une quête identitaire vertigineuse

Dans une société où le virtuel prolonge la réalité physique, où le moi n’est plus une entité stable et donnée, on sent poindre une inquiétude liée notamment aux dérives identitaires. On sent aussi se dessiner une volonté de trouver la synthèse plausible d’une identité dynamitée par son propre éclatement.

Qu’en disent les femmes artistes?

L’année commence à peine et déjà nous n’entendons parler que d’identité et d’avatars: Nicolas Sarkozy se débat avec l’identité nationale tandis que James Cameron revisite les stéréotypes à l’américaine. Si les discours dominants usent et abusent aujourd’hui de telles références, l’art a toujours exploré les paradoxes inhérents à la question de l’identité. Peut-être encore plus intimement concernées par ces questions d’affirmation de soi et de définition des genres, des femmes artistes proposent des mises en scène de cette problématique aux enjeux cruciaux, depuis bien avant le récent boom technologique.

Des identités multiples…
Si la création d’identités a toujours existé, elle a pris un tournant décisif avec l’ère du numérique et de la globalisation, qui en ont furieusement accéléré et multiplié les potentialités. Parfois associée à une véritable culture de la simulation, comme par exemple dans les univers parallèles où tout un chacun peut mener une énième version virtuelle de sa vie, la construction identitaire s’apparente à un badigeonnage de couches de «soi potentiels», en un collage hétérogène dont le verni ne séchera jamais.

Dissimuler ou dévoiler, on remarquera que l’adoption de personnalités «autres» ne constitue pas un dé­­gui­­­­­se­­­ment total, car en dépit des nombreux masques que peut revêtir l’individu, son identité première conserve souvent une certaine transparence. Figure emblématique de la mutation identitaire et alter ego sublimé, l’avatar est en définitive un hybride qui puise son essence autant dans le réel que le virtuel, qui mêle les caractéristiques de l’authentique tout en s’affirmant comme copie. Par cette dichotomie, il érode finalement les frontières d’entités que nous avons appris à percevoir comme des oppositions binaires.

… ou une identité plurielle?
Loin de telles implications technologiques, cette thématique est traitée par de nombreux artistes contemporains qui, malgré le flou qui recouvre tout ce qui touche à l’identité, essaient de tracer des possibilités. C’est notamment le cas de certaines artistes que l’on retrouve dans une exposition qui se tient actuellement à Beaubourg. Troisième volet de présentation d’une partie des collections du Centre Georges Pompidou, «Elles» présente un panorama des femmes artistes du XXe siècle à nos jours. Parmi elles, des femmes travaillent aux prises avec leurs biographies. Avec un espace visuel où les tabous sont balayés d’un flash, Nan Goldin présente des instantanés qui ne laissent plus aucune place à la pudeur. Une photographie brute dans laquelle l’identité est explorée frontalement en termes de mémoire et, par extension, d’histoire. Entre confession et mise en scène esthétique, Tracey Emin s’inscrit dans cette même continuité avec une œuvre aux consonances similaires, bien que son travail à elle incorpore une touche d’ironie.

Les femmes artistes sont aux prises avec leurs biographies, dans un espace où les tabous sont balayés d’un flash

Certaines femmes questionnent l’identité par d’autres biais. La pluriculturalité, par exemple, tient une place importante dans le travail d’artistes telles que Shirin Neshat où nous retrouvons la question identitaire déclinée en codes sociaux et religieux. Des sujets tout aussi polémiques, comme la société de consommation ou les clichés féminins, trouvent quant à eux une place centrale dans les œuvres de Vanessa Beecroft ou Barbara Krugger. Issues de l’appropriationnisme, Sherry Levine et Sturtevant dupliquent des œuvres célèbres et remettent en cause à travers la construction de simulacres non seulement l’acte créateur ou la subjectivité, mais la place de l’originalité dans une société de masse.

Finalement, alors que Gillian Wearing investigue les complexités de l’identité à travers des portraits photographiques et des vidéos faisant intervenir le masque dont la qualité anonyme permet la confession, Cindy Shermann élabore et joue tous les rôles féminins. Virtuose dans la création d’identités multiples, cette dernière examine la construction de la représentation afin de lever le voile sur les artifices de la construction identitaire. Dans ce dernier exemple, il est intéressant de constater que la démultiplication de soi ouvre la porte à l’affirmation d’une identité plurielle, parfois instable, souvent changeante.

Ce parcours ponctué d’œuvres de périodes et de propos divers semble tendre vers le même horizon; cette question suspendue qui semble également hanter les discours dominants actuels: doit-on aujourd’hui comprendre l’identité originale comme une synthèse qui aurait (ou non) suffisamment dissimulé ses sources?

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