en passant par george

à Casablanca, George Sand a son garage. Avec «s» hélas…


Le quartier du Maârif, à Casablanca, héberge une antédiluvienne tradition du brassage culturel qui s’affiche jusque dans les noms de rue. Parmi eux, celui d’une certaine George Sand, écrivaine scandaleuse pourtant parfaitement assimilée en cette terre d’islam.

Rue George Sand, quartier du Mâarif, Casablanca. Tu parles d’une adresse! Un quartier de «Casa», ça a les dimensions d’une petite ville suisse. C’est que nous sommes dans la capitale économique du Maroc : 3,6 millions d’habitants selon mon Guide du routard 2009, 5 millions en réalité…Une heure trente de marche plus tard (eh oui, quand même), m’y voilà. C’est-à-dire me voilà les yeux levés vers un panneau écrit en arabe dont l’envers, c’est heureux, me confirme en français que je suis à l’orée de la rue George Sand. Plus loin, je verrai deux autres signaux, bilingues eux aussi et constellés de taches de rouille, qui témoignent que la rue porte son nom depuis un certain temps déjà… mais aussi que la subtilité du pseudonyme d’Aurore Dupin, romancière et écrivaine du XIXe siècle devenue et restée célèbre sous le nom de George Sand, était passée inaperçue à l’époque. Car c’est une rue Georges (avec «s») Sand que ces anciens panneaux annoncent.

L’erreur a été rectifiée sur la signalétique moderne, qui affiche le George que nous aimons. Mais elle a néanmoins fait tache d’huile, si j’ose dire. Car c’est un Garage Georges Sand qui propose «diagnostic» et «entretient (sic) régulier» au rez-de-chaussée de l’un des petits immeubles qui bordent la rue. Le chef d’atelier ne semble guère renseigné sur la personnalité qui a donné son nom à l’établissement. à moins qu’il ne faille incriminer son français précaire: «Vous saviez que c’était une femme ? Une femme qui s’habillait en homme ?» «Oui… un homme». On est bien avancé.

Mais comment George Sand, écrivaine dont la vie sentimentale et les tenues réputées masculines firent scandale, a-t-elle trouvé pignon sur rue dans un pays où les mœurs restent passablement corsetées par l’islam?

La réponse se trouve bien entendu dans l’histoire coloniale du pays : c’est la France qui a ainsi mis à l’honneur ses personnages et sa culture. De nombreuses artères et places de la ville ont du reste été rebaptisées après l’indépendance du Maroc en 1956 : la place de France est devenue Mohamed V, le boulevard Verdun a été rebaptisé Anoual, lieu d’une victoire de l’armée marocaine sur des troupes espagnoles. Mais d’autres tiennent bon. La rue George Sand débouche toujours sur le boulevard Stendhal ; et non loin de là les noms de Racine, Montaigne, Mallarmé, Villon servent d’adresse à des Casablancais qui, peut-être, ne lisent pas le français et s’en fichent, du moment qu’ils reçoivent leur courrier…

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