sur le vif

Festival International du Film de Berlin 2015

La 65ème édition de la Berlinale c’était du 5 au 15 février 2015.
Parmi les 400 films présentés cette année, george vous propose sa sélection à moustache, un choix de 7 films à découvrir!

Dora oder Die Sexuelle Neurosen unserer Eltern
Stina Werenfels
Suisse / Allemagne 2015

L’adolescente Dora est née avec un syndrome qui la rend différente de la plupart de ses camarades d’école. Pourtant, elle est considérée comme capable de jugement indépendant et exerce un petit boulot de vente au marché. Un jour, ses parents décident de lui enlever tous les médicaments qui la rendaient inerte et Dora se retrouve en activité perpétuelle. Un soir, elle découvre ses parents en train de faire l’amour: pour Dora c’est le début d’une recherche de sensualité dans chaque stimulation sensorielle qu’elle éprouve. Jusqu’au jour où elle rencontre au marché Peter, un blond sur la trentaine qu’elle suit, alors, jusqu’aux toilettes d’une station de métro, où l’homme abuse sexuellement d’elle. Mais la surprise de ses parents est immense lorsqu’au poste de police, Dora fait l’aveu qu’elle était consentante aux moments des faits. Commence alors une complexe dynamique familiale entre répression et désir d’évasion.
Dora oder Die Sexuelle Neurosen unsere Eltern («Dora ou les névroses sexuelles de nos parents») met en lumière certains tabous qui persistent dans notre société tels que l’amour et la sexualité des personnes qui ont un handicap, le désir et les pulsions des filles pendant la puberté, le rôle et l’importance du plaisir à l’intérieur d’un couple d’adultes ayant eu des enfants.


Jenny Schily, Victoria Schulz © Felix Hächler

Je suis Annemarie Schwarzenbach
Véronique Aubouy
France, 2015

Je suis Annemarie Schwarzenbach est un documentaire, mais pas seulement. C’est un récit, mais pas tout à fait non plus. Il s’agit surtout d’un hommage, d’une démonstration d’amour sincère et absolu pour celle qui a été une figure centrale – et problématique – de la littérature suisse des années 1930 à 1940.
Si vous vous attendez à un documentaire biographique classique, vous vous êtes trompé-e-s de film: Je suis Annemarie Schwarzenbach ne suit pas les standards du récit biographique. On ne verra pas d’images d’époques, ni l’on entendra une voix-off nous raconter les gestes de cette femme au regard triste et intense née d’une famille bourgeoise suisse en 1908, voyageuse, écrivaine et photographe, homosexuelle, décédée à 34 ans à peine.
Au contraire, la réalisatrice Véronique Aubouy décide de se concentrer sur ce que pour elle est l’essence de cette figure incroyable: l’attitude qui nous est dévoilée par sa pose dans une photo, la délicatesse et profondeur de pensée qui ressortent de ses écrits, la solitude existentielle qui émerge à la relecture de sa biographie. Cette essence, Aubouy la recherche dans les actrices et les acteurs qui se présentent aux auditions. Le film est donc une séquence de prise de vues, des épreuves telles que jouer du piano ou aller à cheval, des échanges entre les candidat·e·s, affirmant tous et toutes «Je suis Annemarie».
Entre intimité et crise, entre improvisation et répétition théâtrale, Je suis Annemaire Schwarzenbach nous montre les différentes facettes d’une personnalité complexe et tourmentée. Une approche filmique novatrice mélangeant un montage de reality-show à des contenus denses comme la poésie, l’amour, la découverte de la sexualité, la mort. Un film à ne pas manquer si l’on croit intimement qu’ «une mort solitaire ce n’est que la conséquence d’une vie solitaire».

Je suis Annemarie Schwarzenbach © Paraiso Production

Mina Walking
Yosef Baraki
Canada / Afghanistan, 2015

Mina a 12 ans et habite dans un des quartiers les plus défavorisés de Kaboul en Afghanistan. Sa mère ayant été tuée par les Talibans, Mina se retrouve seule femme à la maison. Entre les tâches ménagères, son grand-père malade, son père dépendant au cannabis, elle ne va quasiment plus à l’école et fait partie d’une bande de mendiants de rue pour se faire quelques sous. Quand elle découvre que le chef de bande est aussi le dealer qui vend la drogue à son père, elle décide de le dénoncer à la police en faisant preuve de beaucoup de courage.
Dans ses actes, Mina ne se soumet aucunement au patriarcat qui l’entoure. Entre menaces de mort et coups de fortune, la jeune fille réussit à retrouver un peu d’indépendance. Malgré le rejet, les insultes, les menaces par les autres, Mina garde la tête bien haute sous sa burqa et incarne une figure forte de l’Afghanistan, d’aujourd’hui. Un pays certes détruit par la guerre et la pauvreté mais toujours debout et prêt à trouver des nouvelles solutions pour survivre jusqu’au lendemain.

Le film a été réalisé avec très peu de moyens, dans un style documentaire qui ajoute une touche réelle à l’histoire. Le talent de Farzana Nawabi, qui interprète Mina, est bouleversant: elle rentre parfaitement dans la peau de son personnage et met le spectateur face à l’impossibilité de différencier entre le témoignage et le récit de fiction. Mina Walking est une petite perle du cinéma indépendant afghan d’aujourd’hui, mettant en valeur les voix des habitant·e·s des quartiers en périphérie de Kaboul qui sont rarement écoutées.

Farzana Nawabi, Hashmatullah Fanaie © Yosef Baraki

Misfits
Jannik Splidsboel
Danemark / Suède, 2015

Tulsa, Oklahoma, se situe au cœur de la «Bible Belt», («la ceinture de la Bible»), une région couvrant la majorité des états du sud-est des Etats-Unis dans laquelle vivent un nombre élevé de chrétiens fondamentalistes. Tulsa, c’est 400’000 habitants, 400 églises… et un seul centre LGBTQ où Benni, Larissa et D. se réunissent pour partager leurs peurs, leurs rêves avec les autres membres de la communauté queer de la ville.
Le documentaire Misfits suit les combats et les rêves de trois adolescents dans cette société qui rejette l’homosexualité et les personnes « hors normes ». Sur les pas de Benni, on découvre sa relation complexe avec son frère, les difficultés liées à son coming out, ainsi que l’appui inconditionnel de sa mère. Larissa, nous raconte le rejet par sa famille suite à son coming-out, son quotidien à l’école, sa relation intime avec sa copine. Pour D., qui a été mis à la rue suite à la révélation de sa bisexualité à sa famille, le centre LGBTQ est le seul endroit où retrouver la chaleur et la bienveillance d’une maison.

A travers ces trois histoires, Misfits dresse un portrait intime d’une génération qui s’affirme malgré l’univers sombre qui les entoure. Benny, Larissa et D. sont trois adolescents ordinaires filmés dans un moment charnière de leur vie où tous trois aspirent à vivre et aimer pleinement.

Misfits © Henrik Ipsen


Schönefeld Boulevard

Sylke Enders
Allemagne, 2014

Cindy a 17 ans et se prépare à passer ses examens de maturité. Elle habite à Schönefeld, dans la périphérie berlinoise: des maisonnettes résidentielles, un cimetière, proche de l’aéroport international. « Même pas un centre commercial », comme l’explique la jeune femme.
Cindy est grosse. Elle ne rentre pas dans une taille M ou S, comme la plupart de ses camarades d’école. À cause de son poids, elle subit des railleries de la part de tout le monde, à l’école comme à la maison. Fille unique vivant un moment très délicat de son développement, elle ne reçoit pas les attentions qu’elle souhaiterait de la part de ses parents. Son père, garde à l’aéroport, se moque d’elle et de son poids à chaque repas. Sa mère, ex-starlette de beauté au temps du gymnase, préfère se concentrer sur ce que les voisins pensent plutôt que les problèmes de sa fille.
Cindy se retrouve donc dans un univers cloisonné où personne ne parle, ni n’écoute. Son voisin et meilleur ami, Dennis, est autant enfermé et incapable de s’exprimer qu’elle vis-à-vis des autres. Pourtant, les deux sont unis par une amitié sincère jusqu’au jour où Dennis décide de partir volontairement pour l’Afghanistan. Cindy entame alors sa période d’expérimentations sexuelles avec un ingénieur finlandais puis un programmeur coréen.

Délicat et grossier comme seulement l’amour pour les adolescents peut l’être, Schönefeld Boulevard est le portrait d’une société de zombies, le Polaroïd d’un monde où l’on a tout et l’on ne discute plus de rien. Cindy est l’anti-héroine qui incarne le désir de s’exprimer, la certitude de vouloir aimer et être aimée pour ce que l’on est malgré le champ aride autour d’elle.

Kyra Sophia Kahre, Julia Jendroßek ©Farbfilm Verleih


Vergine Giurata (Sworn Virgin)

Laura Bispuri
Italie / Suisse / Allemagne / Albanie, Republique du Kosovo, 2015

Mark vit seul dans les montagnes en Albanie. Un jour, il décide de s’en aller à Milan pour rendre visite à sa cousine, Lila. Lila est bouleversée lorsqu’elle le revoit mais accepte de l’accueillir chez elle. Mark commence alors une nouvelle vie dans la banlieue milanaise, en développant une étrange amitié avec la fille de Lila.
Entre flashback et étrangeté du présent, le spectateur s’aperçoit petit à petit que Mark est né avec le nom de Hana et que Lila n’est pas sa cousine, mais sa sœur. Dans le petit village albanais où elles ont grandi, les rôles entre hommes et femmes sont ancrés profondément: une femme ne sort pas non accompagnée, elle porte les cheveux longs, elle se dédie à la famille et à la maison. Une réalité qui semble injuste aux yeux de la jeune Hana, qui aime jouer dans les bois et sait tirer avec un fusil. Quand, promise en mariage à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, Lila s’enfuit de la maison, Hana décide de se glisser dans la peau du fils. Elle se coupe les cheveux et jure, devant tous les anciens du village, de rester vierge toute sa vie en se comportant et en s’habillant en homme.

Vergine Giurata explore les troubles de l’identité, un film à l’image brut qui raconte l’histoire poignante d’une femme courageuse qui cherche à exister dans un milieu macho et oppressant.

Flonja Kodheli, Alba Rohrwacher

Wonderful World End
Daigo Matsui
Japon, 2014

Wonderful World End est un voyage dans le monde de l’adolescence japonaise contemporaine. Shiori est une starlette du twit-cam, un programme de broadcasting en ligne permettant aux utilisateurs de Twitter d’effectuer une connexion vidéo en direct avec les abonné-e-s à sa «fenêtre». Les fans de Shiori sont très nombreux et quotidiennement ils attendent avec impatience la diffusion du vidéo-journal de leur «Gothic Lolita» de 17 ans. Un jour, Shiori rencontre Ayumi, une fille de 13 ans qui se déclare une de ses plus grandes fans. C’est le début d’une amitié étrange entre les deux filles, faite de grands silences et d’échanges colorés à travers un écran. Les deux, vivant essentiellement dans un univers où la mise en scène de soi est plus importante que le contact avec l’autre, ne pouvant vraiment s’exprimer que via la caméra de leur smartphone. Le film assume les tonalités du pastiche absurde au fur et à mesure que le rapport entre Shiori et Ayumi se développe pour terminer en rêverie kitch.

Le réalisateur Daigo Matsui nous présente un film qui s’inscrit dans le panorama japonais contemporain tant par sa thématique que par sa réalisation. Wonderful World End est un collage visuel où les icônes des services de messagerie se superposent aux images du film; la présence de multiples écrans crée une vision kaléidoscopique qui pourtant reste plate à l’image des interactions des deux filles avec les adultes qui les entourent. Ni critique ni célébration de la génération smartphone, Wonderful World End nous emmène dans les coins féeriques et cauchemardesques d’un monde où la communication virtuelle est confondue avec le réel.

© Ai Hashimoto, Wonderful World End

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