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La vérité sur la Femme à Barbe


Les éditions de La Femme à Barbe publient depuis 2009 de belles bandes dessinées collectives et autobio­graphiques. Pour le premier ouvrage de la collection, ses fondatrices, Agathe Trémouille et Laurène Boglio, basées à Strasbourg, ont demandé à leurs amies et amis de raconter en dessin des histoires vraies, et souvent un peu méchantes, sur leur mère. Après le succès de ce premier opus, très sobrement intitulé Livre relatant des histoires de mères abusives, paranoïaques, névrosées ou bien même trop normales, suivent en 2010, sur le même principe, des recueils d’histoires dessinées et véridiques sur des pères, des professeurs, des voisins et… des animaux. Agathe Trémouille révèle quelques secrets des éditions de La Femme à Barbe dans une interview pas rasante pour un sou.

J’ai lu que le nom de votre maison d’édition était celui d’une célèbre Alsacienne barbue…
Il s’agit de Clémentine Delait, la plus célèbre des femmes à barbe, dont je ne me lasse pas de raconter l’histoire. Une amie m’avait offert pour rigoler un livre à son sujet ; il m’avait beaucoup plu. Née en 1865, elle tenait un bar dans un village alsacien. Dans sa jeunesse, elle se rasait, mais, mise au défi par un client, elle se laissa complètement pousser la barbe, ce qui assura sa renommée et celle de son bar. Il y eut des articles sur elle, des cartes postales furent imprimées à son effigie. Elle fit de nombreux voyages, ce qui n’était pas du tout courant à cette époque, et devint mondialement connue sans jamais devenir une bête de foire.

Parmi les auteurs que vous publiez, on note une très large majorité de femmes. Est-ce un hasard, une volonté, voire un acte militant?
Nous avons invité tout notre cercle d’amis à participer. Le choix des filles n’est absolument pas militant, mais elles nous ont fait plus facilement confiance que les garçons. Elles étaient même peut-être un peu en demande.

Dans le milieu de la BD, en particulier dans le monde de l’édition indépendante, vous regarde-t-on encore comme des bêtes curieuses (ou des femmes à barbe)?
Nous avons fait plein de salons cette année et c’était un peu impressionnant d’être les seules filles ; mais les gens ont des parcours déjà tellement étranges dans ce milieu, qu’on ne s’est pas senties trop différentes. Il y a maintenant clairement plus de femmes parmi les auteurs, mais je ne crois pas qu’elles remplacent les hommes. Elles élargissent plutôt le public.

Et pourquoi faire de la BD, plutôt que du tricot ou des missiles de croisière?
Nous ne sommes pas véritablement des « fans » de BD, à la base. Le véritable début du projet, c’est ce sujet récurrent : nos mères. Des mères juives, des mères italiennes, des mères folles… Et il y avait entre nous un concours du pire (la mienne n’a jamais franchi le « top five »).

Aujourd’hui, il n’y a rien de moins consensuel que de critiquer une mère élevant ses enfants. On voulait faire un ouvrage qui rétablirait la vérité sur nos génitrices, sans détours.

J’ai appris que les réactions de ces dernières avaient été positives à la lecture des histoires les concernant. Est-ce la vérité vraie? Et comment ont réagi les pères et les animaux?
Premièrement, les histoires sont véridiques et donc difficiles à contester ! Elles sont toutes arrivées aux auteurs ou à des amis proches des auteurs. Les faits ont été vérifiés ; on a même parfois appelé des médecins pour être sûres. C’était drôle ! Ma mère, qui garde chez elle un stock de livres, n’a pas le droit de les lire, mon père non plus. Pour la plupart des auteurs, les parents ne sont encore pas au courant. Mais quand j’ai annoncé que les livres étaient imprimés, l’une des filles m’a tout de suite donné l’adresse de son père. J’ai donc envoyé le tout premier livre à un papa. Il a bien réagi ; il en était même un peu fier. Les chiens étaient vexés, mais on leur a imprimé un petit foulard en sérigraphie, du coup on est quitte.

Même si vous n’êtes pas « fans » à proprement parler, y a-t-il des auteurs de bande dessinée qui trouvent grâce à vos yeux?
Ah c’est dur… on n’a pas les mêmes références, Laurène et moi. Je vais dire Jeffrey Brown, Julie Doucet, Émile Bravo, David Heatley, Jean Lecointre et Pierre La Police.

Et pour conclure, quels sont vos projets pour 2011? Poursuivre la collection « Affinités »? Vous présenter aux élections?
Envoyer une femme sur la lune, bien sûr ! Le premier projet 2011, c’est d’aller à Angoulême, où l’on s’est présentées au prix de la BD indépendante. On espère que ça nous fera connaître. Et avant de lancer un nouveau projet, on attend que notre stock de livre soit vendu ; c’est bien sûr la clé de notre financement.

www.editionsdelafemmeabarbe.com

Les ouvrages de la Femme à Barbe sont enfin disponibles en Suisse ici :

Librairie Crobar
Petit-Chêne 12
1003 Lausannne
T : 021 711 43 43
librairie@crobar.ch

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