bande originale

Tamo Tuma, diva anti-glamour


Tamo Tuma est une chanteuse et performeuse anglo-mexicano-suisse: artiste néo-nomade, elle vit entre deux continents. Depuis 1988, elle crée des formations musicales pointues: Le Doux Parfum, Alma Tadema, Almavoxlabo, Tamo Tyler XXperience, TNT… Dans ses concerts d’improvisation, de jazz, de bruit et de poésie sonore, la «Diva d’Apocalypse» (1), «the new Gothic Queen» (2) va du murmure au hurlement.

Quelque chose de Frank Zappa dans sa musique arythmique, un petit air de Diamanda Gallas dans sa voix, de Lindsay Cooper dans ses textes. Pour ses performances, elle crée des environnements complexes de nuages sonores, de remixes de films, de collages de textes. On la voit de Saint-Pétersbourg à New York, Berlin, Barcelone, Mexico, Lausanne, à l’Arsenic en 2001 et 2003, dans « Adrénaline » et « Back to Paradise ». Comment fait-elle?

Le chant, depuis quand?
Petite, j’ai vu une chanteuse, une de ces chanteuses qui donnent la chair de poule. J’étais très impressionnée. À ce moment-là, j’ai su que j’allais chanter. J’ai été initiée à la musique par mes parents qui en écoutaient souvent. J’ai commencé à chanter il y a 25 ans avec un trio jazz, puis très vite j’ai monté Le Doux Parfum, un groupe de pop jazz expérimental très inventif, avec lequel j’ai fait mes premières tournées et sorti mon premier album en 1991, «Roses drink Bourbon».

Chanter, qu’est-ce que c’est?

Chanter, c’est écouter, respirer, raconter une histoire, toucher l’autre. La voix change sans arrêt : elle reflète notre état d’âme et notre forme physique, c’est un instrument sensuel qui nous dévoile. Chanter, c’est surtout une sensation, un grand plaisir ! Ça demande aussi de s’exposer, de braver la scène. J’étais une grande timide, on a dû me forcer à y monter. Peu à peu, on s’y fait, on l’apprivoise et elle devient un lieu familier, notre arène. Le chant et le théâtre m’ont appris à me libérer, à m’exprimer, à m’accepter et à rencontrer l’autre.

Où chantes-tu?
Dans des lieux très divers, dans les temples alternatifs comme l’Usine à Genève, Tacheles à Berlin, ou Les Foufounes Electriques à Montréal. Dans les chapelles des musiques dites pointues, Knitting Factory, The Stone à New York. Dans des clubs de jazz feutrés, où l’on entend le tintement des glaçons dans les verres.

Je chante dans des théâtres classiques de style baroque en robe longue, dans des boîtes débridées punk, des centres culturels, des musées, des festivals internationaux.

J’ai eu la chance de découvrir des villes d’une beauté sidérante, comme Hambourg, Riga, San Francisco. Je rêve d’aller en Chine, à Mumbai et à Buenos Aires, en tournée en duo avec le fabuleux guitariste catalan Peré Soto!

Comment conjuguer carrière et famille?
Ça implique une bonne organisation. Je ne mélange pas les choses : quand je chante, je suis chanteuse, lorsque j’enseignais, j’étais enseignante, et avec mes enfants, j’étais «maman heureuse». C’est assez simple, on ne fait jamais qu’une chose à la fois. Pendant les tournées, mes enfants me manquaient. On voyage à des heures indues, on attend beaucoup, on dort peu, c’est très éprouvant, il faut être solide. Tout ce qui nous arrive nous fait grandir et nous change.

Les musiciens, des machos?
Le milieu musical est surtout masculin, mais il n’est pas rare de voir une femme jouer de la contrebasse ou de la batterie. Certains musiciens ne respectent pas les chanteuses, mais plutôt que sexistes, je pense qu’ils sont jaloux de la place qu’elles occupent sur scène et de l’attention qu’elles suscitent. Mes collaborations avec les musiciens sont riches et fructueuses. Je suis exigeante artistiquement, mais ça a donné quelque chose, une foule de concerts et quatre albums. J’ai beaucoup appris et les musiciens ont toujours reconnu la qualité du résultat. Ai-je gaspillé trop d’énergie pour arriver à mes fins? Ça m’a poussée à faire des formations de plus en plus petites, des duos, jusqu’au solo. Je me dis aujourd’hui que les femmes et les hommes pensent et surtout s’expriment différemment, et qu’il faut laisser faire, avec de la douceur.

Une femme forte est-elle forcément féministe?
Je ne suis pas féministe, pas au sens militant. Les femmes n’ont plus besoin de brandir leur soutien-gorge dans la rue. Simplement, être soi, mener sa vie de femme, se respecter, c’est un énorme challenge. Reconnaître ce que l’on aime, défendre nos idées, se battre pour nos rêves, et surtout, se battre contre soi-même, contre la facilité, contre le doute. Ça veut dire « avoir des couilles » ! Difficile. Ça l’est déjà tellement pour les hommes qui sont censés en avoir, alors…

( 1 ) Arnaud Robert, 1998
( 2 ) un journaliste canadien lors d’une tournée au Canada en 1999

{extrait musical Tamo Tuma}

Laisser un commentaire

  • Archives